· 5 min read
Systèmes, par Chartier Dalix architectes
La Cité de l’architecture et du patrimoine recevait Chartier Dalix architectes pour la première session des Entretiens de Chaillot de l’année. Plus qu’une simple présentation de leurs projets, les architectes se livrent à un exercice intéressant : ils nous racontent les concepts et idées qui les animent, en utilisant quelques projets comme illustrations de leur propos.
Dès la création de l’agence, les architectes travaillent de la conception à la réalisation, le chantier fait tout de suite part entière de leur pratique. Aussi, ils abordent des programmes très différents et cette diversité d’expériences profite à toute l’agence.
- écosysteme
- paysage habité
- surface d’échange
- lisière
- métamorphose
1 / Ecosystème
Il y a aujourd’hui le besoin d’une réflexion à mener sur la nature en ville. Imaginons comment le vivant viendrait coloniser la ville. Au groupe scolaire de la biodiversité à Boulogne, l’école/gymnase/école de la biodiversité est un comme un territoire tranché où les programmes s’entremêlent.
Une double peau faite de blocs de béton laisse volontairement des interstices pour l’invasion de la faune et flore locales. La biodiversité est alors “cryptique” et évidemment, aucun système d’irrigation n’est prévu. La question du temps et de la longévité du bâti est aussi abordée par l’absence du besoin d’entretien de cette façade.
Les architectes proposent le COB (Coefficient d’Occupation de la Biodiversité), qui compte le rapport surface végétalisée / surface du terrain. Différents grades permettraient de classer les projets. En incluant les surfaces verticales, des façades autrefois inconstructibles sont revalorisées.
Dans le projet Réinventer Paris, logements et bureaux à Ternes, il s’agit de passer le périphérique avec l’épaisseur du bâtiment. La totalité des eaux de pluie est utilisée pour arroser les terrasses, balcons (dont l’épaisseur de végétal varie selon la pièce qu’il agrémente) et le jardin RDC.
La ville devient ainsi un vaste milieu vivant. Et le bâtiment, partie de ville, participe à la sédimentation en cours.
2 / Paysage habité
Le bâtiment est lié à son grand paysage, et donc à son infrastructure. Le pôle logistique de Tafanel, Paris 18ème, est en continuation du jardin Éole. Dans ce paysage minéral, et non pas végétal, une large nappe ondulante, comme les traditionnels shed, sert pour récupérer l’eau, distribuer la lumière, et isoler du bruit.
Le mur en moellons existant, long de 450m, sera le support d’art urbain, permettant l’appropriation par les habitants. Après une tranche de verre poli pour éclairer l’espace intérieur, la façade est constituée de panneaux en aluminium anodisé dont le reflet change avec les saisons et l’environnement ambiant.
Pour le collège des Moulins à Lille, la cour est ouverte sur la ville et visible depuis le métro. Une interaction, certes filtrée mais bien présente, est tissée avec la ville.
La toiture en zinc prépatiné rouge s’abaisse et se soulève selon les exigences de vues et du programme.
3 / Surface d’échange
La peau du bâtiment est la surface d’échange. Chartier Dalix architectes préfèrent faire le choix d’un seul matériau qui épouse le bâtiment plutôt que de travailler sur une composition de façade. Avec un matériau unique, le bâtiment est expressif, mais sans le geste gratuitement esthétique, comme pour le foyer des jeunes travailleurs ci-dessous.
Au groupe scolaire de Fresnes, le béton fibré est utilisé comme un filtre.
En jouant sur l’épaisseur de la façade, on peut donner de nouveaux espaces de vie, intérieur ou extérieur, pour de nouveaux usages, humains ou végétaux.
4 / Lisière
À la lisère, ou écotone, se mélangent deux milieux. C’est là aussi que l’on peut redonner des libertés d’usage, d’appropriation, de circulation plutôt que de cloisonner les programmes. Au foyer des jeunes travailleurs, Paris 20e, tous les espaces de vie communs sont situés à un seul étage pour scinder le bâtiment, très dense. C’est comme un espace public créé au 3e étage avec des espaces extérieurs, facilement et généreusement accessibles par les escaliers.
Pour l’école d’Ivry, les architectes ont cherché ce qui n’était pas dit dans le programme. Parfois, la conséquence de ce qui est demandé et voulu peut s’avérer force du projet. Ici, l’énorme surface de toiture qui résulte du programme est végétalisée pour créer des jardins et balcons.
Au pôle de design Renault à Guyancourt, la circulation horizontale fait une boucle périphérique qui s’épaissit pour créer des lieux de rencontre, salles de réunion, et points de vue sur les différents espaces intérieurs.
5 / Métamorphose
Nous ne pouvons pas penser la ville sans aborder sérieusement le travail sur l’existant. La caserne Lourcine, de l’Université Paris I, n’est pas un objet inerte mais bien un possible. En travaillant par couches successives, en gardant le plus de choses possible, par simples touches, le but est de garder entière la puissance du lieu, qui est à révéler.
Quand on peut sauter la case Programmation, qui souvent enferme le projet dans des surfaces, et passer directement des usages aux espaces, on est au plus proche d’un projet adapté.
Le jour de l’évènement, nous étions la veille des résultats des lauréats pour la rénovation de la tour Montparnasse. Or, c’est annoncé, nouvelle AOM, dont font partie Chartier Dalix architectes, est l’équipe gagnante de ce grand projet !