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Économie circulaire et réemploi

Un événement était organisé par l’ICEB et les Compagnons du Devoir au sujet de l’économie circulaire et du réemploi le 17/07. J’y ai assisté, et voilà ce qu’il s’y est dit.

Tout commence avec une brève présentation des organismes organisateurs de l’événement. L’ICEB précise qu’il existe en son sein un Groupe Réemploi dont le but est de faire du déchet un matériau à part entière et monter une filière viable autour du réemploi. Le groupe, ouvert à tous, se rassemble une à deux fois par mois pour bientôt être en mesure de produire un livrable. Interviennent ensuite les invités.

Justine Emringer, de la Plaine Commune

Chef de projet Métabolisme urbain à la Plaine Commune (PC), établissement public territorial regroupant plusieurs communes du nord-est d’Ile-de-France.

D’abord, il est nécessaire de rappeler ce qu’est l’économie circulaire.

Idée très à la mode, la PC veut pourtant montrer que l’économie circulaire n’est pas un concept abstrait mais qu’elle est à mettre en pratique. Le modèle actuel de l’aménagement territorial est non soutenable dans un contexte réglementaire plus exigeant, avec l’épuisement des ressources naturelles et une certaine dépendance vis à vis d’autres régions ou pays, contexte général qui change dans tous les métiers. Ils ont donc commencé par une analyse du métabolisme général (consommation et production du territoire). Cette première phase était nécessaire pour acter et sensibiliser. De cette analyse découle la deuxième phase, qui est la mise en action dans le cadre d’un groupement comptant entre autres Bellastock, Auxilia, le CSTB, pour capitaliser sur le capital humain actuel.

La mise en action se traduit principalement par l’expérimentation sur un certain nombre de sites pilotes. Cela commence par une analyse de gisement, qui va au delà de l’analyse des sols (obligatoire). Sont examinés les matériaux disponibles sur site avec l’Assistance de Maîtrise d’Ouvrage Spécialisée pour repérer les synergies possibles, notamment sur les filières locales de réemploi de matériaux du BTP, ou sur celles qui sont à en créer. La réutilisation se fait sur site si possible, ou sur un autre chantier, mais alors on a besoin d’espace pour le tri, stockage, etc.

La PC développe aussi des outils informatiques pour rendre visible les gisements et faciliter leur partage. Les ateliers de partage et de formation sont organisés, comme Praxibat par l’Ademe, mais sur le sujet de l’économie circulaire. Il existe aussi le projet Démoclès qui organise le réemploi des matériaux de second œuvre.

Julien Choppin, co-fondateur d’Encore Heureux

Encore heureux est une agence d’architecture qui s’intéresse au réemploi des matériaux, notamment depuis cette exposition qu’ils ont réalisée dans un train, et où ils se sont demandés ce que devenaient tous ces matériaux (de qualité) à la fin de l’exposition. Ils proposent alors une idée de circuit pour le réemploi des matériaux, traduite par un schéma qui sera publié dans la revue Ecologik.

Ils expérimentent ensuite le réemploi avec le petit bain, dont les baignoires changées en jardinières viennent de la rénovation d’un HLM. Puis ce sera l’exposition Matière Grise au Pavillon de l’Arsenal qui fait un constat de la situation actuelle, mais présente aussi une sélection de 72 projets exemplaires d’ingéniosité pour la réutilisation de matériaux partout dans le monde.

 

L’intervenant nous parle ensuite du Earth Overshoot Day, qui est, chaque année, la date à laquelle on a consommé la quantité de ressources que la terre est capable de produire en une année. Et cette date avance chaque année… Dans ce contexte catastrophique, l’architecte prescrit les matériaux, il a donc un pouvoir important.

D’un point de vue de lexique, il est important de connaître la définition et ce que signifient les processus de réutilisation ou réemploi, recyclage, puis incinération (avec éventuelle récupération de l’énergie produite) ou enfouissement. Le schéma suivant prend l’exemple d’une porte :

Nous sommes à l’heure actuelle dans une parenthèse historique d’absence du réemploi dans la construction. Mais cela est en train de changer. Nous découvrons ensuite quelques exemples de projets basés sur le réemploi.

Le siège de l'UE à Bruxelles, par Philippe Samyn, comporte des fenêtres de toutes tailles originaires de différents pays d'Europe

La maison de Lucy, par Rural Studio, utilise des carrés de moquette usagés

Le café sur la plage de Tony Hobba, et la réutilisation de plaques d'acier de chantier

Les tôles rouges, "refusés de chantier", de Disney sont réutilisées par Patrick Bouchain à St Denis pour une façade modelée autour du matériau disponible.

L'agence chinoise Amateur Architecture Studio construit à partir de fragments des bâtiments démolis, qui rappellent aux usagers les anciens bâtiments.

La cuisine de festival, démontée puis remontée, de Syverson Monteyne

Les tuiles de terre cuite, soigneusement démontées et réutilisées pour un tout autre usage dans le Matadero Madrid, par Arturo Franco

… ou encore cet hôtel à Bali dont la façade est entièrement composées de persiennes bois réemployées, les interventions et l’expérience de Superuse Studios, Collective Terrain qui utilise des fragments de pierre de taille, Peter Hubner et son travail sur la charpente bois, … Il paraît même que les murs de la chapelle de Ronchamp sont faits des pierres de l’ancienne chapelle présente sur le site, détruite à l’occasion. Et bien d’autres projets

L’intervenant passe ensuite à la présentation de quelques projets de sa propre agence.

D’abord, le Salon Chéret de l’Hôtel de Ville de Paris, qui a été remeublé pour devenir une salle de réunion. La table et les chaises viennent des encombrants de la ville, et c’est le savoir-faire des employés de la mairie qui a fait peau neuve de ce qui avait été jeté par les habitants. C’est le même procédé qui a été mis en place pour le Pavillon Circulaire aujourd’hui installé devant l’Hôtel de Ville. Le chantier participatif organisé avec les employés de la Ville de Paris a très bien fonctionné, tant ces derniers ont tout de suite compris la démarche.

Pour le Passage Miroir situé sous le périphérique, porte de Montmartre, l’utilisation actuelle du lieu par les Biffins pour la vente de toutes sortes de choses récupérées dans les poubelles, la réutilisation des matériaux des encombrants prend tout son sens.

Questions

Nous sommes tous intéressés de connaître des sites web où trouver les ressources de telles installations. Comment récupérer des matériaux en large quantité ? La mise en ligne et les sites de partage des matériaux disponibles ne posent pas de problème technique mais il n’y a aujourd’hui pas assez de demande pour que ça marche. Un certain nombre de sites, plus ou moins spécialisés ont toutefois commencé à voir le jour depuis les années 2000, dans des modèles différents et pour des besoins différents. L’échange de terres fonctionne très bien par exemple. En voici quelques-uns :

Lors de recherches précédentes, j’avais moi-même repéré les sites suivants en région parisienne :

Il y a aussi beaucoup d’initiatives associatives qui utilisent la récupération comme outil de réinsertion, ou animent des ateliers à différents buts sociaux et écologiques autour du réemploi.

Sur la question du coût de la main d’œuvre, le réemploi n’est pas pour l’instant moins cher que l’utilisation de matériaux neufs. Mais règlementairement, on ne démolit plus, on déconstruit pour pouvoir trier ; donc le soin à apporter aux matériaux en fin de cycle du bâtiment est déjà là. Il est là aussi question de répartition de valeur : qui dit réemploi dit moins de travail en phase de traitement des déchets. L’acteur qui fait des économies change et le coût global (qui se calcule) de la construction baisse.

À la question des normes de la construction, qui peuvent être une vraie barrière au réemploi des matériaux, elles sont toutefois en train d’évoluer - péniblement. A l’exemple de la construction paille, ce n’est que par effort commun de l’assureur, la maîtrise d’ouvrage, la maîtrise d’oeuvre, le contrôleur technique, etc, que les règles changent. Cela dit, le réemploi n’est pas forcément un modèle à généraliser, il restera artisanal. C’est un outil parmi d’autres à disposition des maîtres d’oeuvre dans l’effort de démarche environnementale. L’idée est de générer une alternative au modèle ambiant qui nous envoie clairement dans le mur.

Évidemment, réhabiliter c’est le mieux que l’on puisse faire. Mais pour toute nouvelle construction, il faut aussi penser la réversibilité en amont, dès la conception du projet. Le réemploi donne un nouveau rôle à l’architecte, qui doit alors dessiner en réaction à un matériau. Sur le chantier aussi, le réemploi mène à de nouveaux besoins, notamment pour sa gestion et son encadrement. Encore Heureux a par exemple créé un lot Réemploi pour la fourniture de matériaux de récupération aux autres lots du chantier. Il y a là une nouvelle complexité à gérer, plus d’intelligence à mettre dans le projet.pyramid-5rs

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