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Histoires de béton
Aux conférences du trophée béton, l’architecte et l’entreprise sont côte-à-côte pour présenter un projet marquant d’un point de vue technique. J’aime ces conférences où concept et technicité s’entrelacent, où l’architecture prend tout son sens dans la construction.
Connaissez-vous ce projet de l’Atelier Zündel Cristea de la Maison de retraite de Tours ?
Livré en 2011, le projet est marqué par une certaine simplicité, issue d’une économie serrée. Les seules “folies” consistaient en l’éclairage généreux des chambres et un beau béton apparent. Sauf qu’un béton apparent sur une façade longue de 100m, ça fait peur. Est alors venue l’idée du motif. Celui-ci a été difficile à choisir, mais avec les soieries de Tours, un modèle de tapisserie est finalement apparu. Il a ensuite fallu en régler l’échelle par rapport à la façade : voir la répétition, mais pas trop.
D’un point de vue technique, plusieurs options étaient possibles : la peinture (trop plat), la photogravure (trop coûteux) ou le béton matricé, option retenue au marché. La société Plé répond en proposant le béton poché (du terme pochoir, sans rapport avec les œufs). Du sable noir est intégré au béton blanc puis un sablage au jet sur pochoir fait ressortir les motifs. Le pochoir, en inox, peut ensuite être répété en miroirs à l’infini. Le calepinage des motifs est primordial tant le moindre décalage serait visible. Dans les angles, la tranche du voile est elle-même sablée et pochée !
Aujourd’hui, il existe des pochoirs en papier autocollant qui résistent au sablage. Le modèle unique devient donc abordable. Pour ce qui est des panneaux préfa (MCI : Mur à Coffrage Intégré), l’isolant peut être déjà compris dans le panneau (MC2I : MCI avec Isolant en plus), ce qui permet de respecter les RT 2012 et 2020.
Vient ensuite le tour de l’agence Beckman N’ Thépé et de l’entreprise AAB (Atelier Artistique du Béton) de nous raconter leur association. Leur première rencontre a lieu lors du concours pour le zoo de Vincennes. L’entreprise avait rénové 15 ans plus tôt le rocher - qui n’en est pas un - qui compose le paysage du parc. Il s’agit là d’un béton projeté sculptable, une paroi mince (7cm) sans JD, sur une structure poteaux/poutres en acier.
La collaboration entre l’architecte et l’entreprise de fera finalement pour le projet de la Bibliothèque Universitaire Marne-la-Vallée.
La douve existante est étendue et le bâtiment est pensé comme une motte de terre - littéralement de la terre - soulevée du paysage. La construction en terre est aujourd’hui très difficile, voire impossible, à mettre en oeuvre en France ; pour cause d’obtention des DTU et des avis des bureaux de contrôle. L’architecte se tourne alors vers le matériau qui est culture de l’agence, le béton (nous sommes quand même à une conférence Trophée Béton !). Deux options son alors avancées : béton projeté ou béton matricé. La première l’emporte, avec son modeste prix de 300€/m².
Les panneaux de la façade sont constitués d’un complexe avec cadre structurel et isolant intégré. La projection de la peau extérieure en béton se fait sur site en deux couches : une première couche s’accroche au grillage du cadre structurel ; elle est ensuite rainurée afin de supporter la deuxième, qui est sculptée directement. Deux sculpteurs ont travaillé sur la façade pendant le chantier, en parallèle des autres corps d’état.
L’architecte a ainsi pu “assurer l’image” qu’il voulait donner au projet.
Il existe aujourd’hui de nouveaux systèmes de panneaux avec un isolant en polystyrène intégré et un revêtement extérieur sculptable de 10mm seulement. La texture finale se fait aussi par la couleur ; le temps fait le reste.
Vous pouvez retrouver les vidéos de cette conférence sur le site trophée-béton.com