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L'architecte aux mains d'argent.
Les contingences de l’homme sont le temps et l’espace. Il se construit alors mille “extensions” pour les défier. On enlève nos rides, on a des enfants, on prévoit nos week-end sur de grands calendriers ; Mais toujours, cette obsession du temps qui passe, de la mort qui nous attend juste derrière. On parle à quelqu’un sans être au même endroit, on traverse la France en 3heures, on visite une ville sans n’y avoir jamais mis les pieds ; Mais toujours, le rapport direct à la réalité reste d’une autre nature.
L’architecte travaille sur cette réalité.
D’un point de vue purement fonctionnel, il influe directement sur notre quotidien : le nombre de portes que l’on passe avant d’être chez soi, le nombre de personnes admises dans la cuisine, la possibilité ou pas de fumer à la fenêtre, l’argent dépensé à nous chauffer, le nombre de pas à faire entre la chambre et la salle de bain (et autant d’occasions de se cogner), le mobilier qui convient, et j’en passe.
Plus généralement, il construit l’espace qui entoure nos corps. Il imagine les limites qui entourent notre moi physique, habille notre environnement et séquence le vide qui nous entoure. Il décide des conditions dans lesquelles notre matière vivante, notre matière au monde, se trouve. Ces conditions sont la température, la couleur, la proportion, la texture, la signification culturelle, etc. Il pense notre relation au monde extérieur, entre notre corps et notre environnement, mais aussi entre notre habitat et le reste du monde.
Plus encore, l’architecte dessine l’espace dans lequel nous nous rencontrons. Comment nos corps vont-ils se croiser, sous quelle lumière nos discussions vont-elle s’échanger, à quelle distance des murs nos réflexions vont-elle planer avant de s’y cogner, sont les questions que l’architecte se pose. Il travaille le cadre du vivre ensemble.
L’architecte imagine une autre réalité.
Car, on montrera la puissance de l’esprit par des Matrix (1999), Inception (2010) et autres yoga, nous restons de faibles humains, dont la majorité des pensées et réactions restent gouvernés par notre culture, notre éducation, et même notre instinct. On agit souvent selon des principes qui ne sont pas réfléchis mais qui sont décidés par notre expérience, par notre compréhension du monde.
Se trouver sous un porche de 4m de haut n’est pas la même chose que se trouver au pied d’un immeuble de 15étages. Être assis contre un mur courbe et en bois n’est pas ressenti de la même manière qu’être assis contre un mur droit et en aluminium. Marcher sur un trottoir de goudron n’est pas du même essor que marcher au milieu d’une rue pavée. Qui ressent différent, agit différent.
Responsabilités de l’architecte
L’architecte a ce pouvoir d’influencer nos sensations dans un espace et donc d’influer sur notre façon de penser, d’agir, de nous comporter, notamment avec nos congénères.
L’architecte a donc une certaine responsabilité par rapport à la société qu’il habille. Il se doit de penser à l’habitant des lieux qu’il crée, il a une obligation morale de prévoir les actions, réactions, relations qui peuvent ou ne peuvent pas se développer dans les espaces produits. Il est aussi celui qui peut proposer de nouvelles façons de vivre l’espace, de nouvelles habitudes dans notre relation au monde.
Contraintes, normes et autres économies ne sont pas les freins d’une logique altruiste. Certains ont tendance à oublier leur rôle déterminant dans le développement de la société.