· 5 min read
La réutilisation du béton préfabriqué
Le béton, cette pierre liquide.
Le béton est un matériau fantastique. Il permet toutes les courbes rêvées, il réalise nos désirs les plus fous, bat des records techniques, esthétiques et temporels, ouvre les possibilités. Il est le dur qui pourtant prend la forme qu’on lui donne, la pierre moderne.
L’escalier à double circonvolution, du Conseil Economique et Social (ancien Musée des Travaux Publiques, 1937-1946) d’Auguste Perret est, sans appui intermédiaire, une véritable prouesse technique.
La préfabrication, qui a fait ses premiers pas dans le contexte d’une forte demande en logements, s’est très vite étendue à l’ensemble de la construction béton en France. Elle réduit les coûts de production, les délais de construction, et assure un rendu fini qui peut être vérifié avant la pose.
Le béton, cette horreur.
Le béton n’est pas plus éternel que les styles ou que les modes de vie. Après avoir été le héros d’après guerre, il est devenu la hantise de nos villes, du moins dans les esprits, sans être pour autant dérogé de sa place prédominante dans l’ensemble du marché de la construction. Alors que la pierre ancienne est matériau noble et adulé, la pierre de notre temps est relayée au rang du pratique, du pas cher, du sale et du quotidien.
Quand le béton se meurt.
Le béton n’est pas infaillible, il craint différentes sortes d’attaques, du feu à la bactérie, de la pluie acide à la réaction chimique. La fin de vie du béton place ce matériau dans les plus apréhendés de l’écoconstruction. Lorsque l’on considère l’ensemble du cycle du béton, les extrémités de la chaîne (fabrication et démolition) ne sont pas des plus durables. Le béton est un agglomérat, il est mixte, il est la combinaison de différents matériaux qui sont fondus, imbriqués, compilés les uns dans les autres. Il n’est pas la barre d’acier que l’on va réutiliser, ni l’élément de bois qui trouve nouvel usage à la fin de son rôle initial. Pendant longtemps, on a simplement enfoui le béton démoli, laissant à la Terre le soin de le digérer.
De plus en plus, le béton est recyclé. Cela permet de réduire la pollution des terres (enfouissement du béton usagé), l’extraction minière (fabrication du nouveau béton), et la pollution due au transport (entre le lieu de fabrication et le lieu d’utilisation).
Cycle 1, le recyclage du béton
Levons le voile.
La question reste complète : peut-on réutiliser tel quel l’élément préfabriqué de béton, voile, poutre, poteau, ou autre ? Cela permettrait un gain d’énergie considérable si, au lieu de fabriquer un nouvel objet, on utilisait un élément déjà en forme et sur place, encore en bon état.
- Problème n°1: le matériau a perdu avec le temps certaines de ses propriétés (ferraillages non opérationnels, corrosion, etc) et l’objet béton voit son intêret d’usage fortement réduit.
- Problème n°2: le démontage est soit impossible (la pièce va être abîmée), soit trop cher car il demande l’équipement et la formation adéquats.
- Problème n°3: le nouveau projet n’est pas pensé en fonction des éléments disponibles sur place, ou ceux-ci sont dédiés à un seul et unique type d’utilisation, non nécessaire pour le nouveau projet.
- Problème n°4: les projets alentours qui pourraient réutiliser l’élément béton n’ont aucun lien de communication avec le chantier de démolition.
- Problème n°5: l’appartenance des éléments de béton au moment de la démolition n’étant pas clairement définie, il s’agit d’organiser un achat/accord avec le(s) propriétaire(s) pour leur réutilisation.
Beaucoup de ces problèmes résultent des pratiques actuelles et de l’ensemble du système de la construction béton. S’il devient courant de réutiliser l’élément de béton lors de la démolition, ceux-ci seront conçus, fabriqués et montés en conséquence.
Par exemple, cette pratique donnerait le jour à de nouvelles machines, qui découpent proprement et rapidement le béton, sans en amincir les capacités structurelles. Ou encore, ce qui serait le plus intéressant, un nouveau type d’assemblage apparaîtrait, de sorte que les éléments préfabriqués soient aussi facilement montables que démontables, sans perdre de leur propriétés structurelles. Une autre conséquence serait le renforcement de la standardisation des éléments béton. Avec des pièces qui ont toutes le même gabarit, certaines pièces de la construction sont neuves, d’autres sont récupérées sur le site de reconstruction, ou sur un site alentour. Apparaîtraient alors des centres de récupération des pièces de béton, relais entre les sites de démontage et de reconstruction. A partir d’un certain nombre d’éléments récupérés et sauvés de la destruction, l’effort “en vaudra la chandelle”.
Cycle 2, le recyclage du béton préfabriqué
Le béton, contre nature.
Les suppositions de principes doivent se confronter à la réalité de la matière. Le béton est ce qu’il est. Et pour l’instant, sa réutilisation semble contraire à sa nature… L’assemblage des pièces est tel que la pierre liquide devient objet unique une fois sec.
Si un système constructif n’est pas intimement lié à la matière qu’il met en oeuvre, il n’est ni durable ni défendable. Or, une fois que le béton est coulé, ou cimenté, il n’est plus composition de divers éléments mais structure compacte, en un seul bloc, il ne peut pas se démonter sans des efforts considérables et un coût exorbitant. Vu les moyens à mettre en oeuvre, il vaut sans doute mieux travailler sur la matière elle même, chercher à ce que le béton soit plus écologique, plutôt que sur sa réutilisation en fin de vie.
Sans détruire l’éventualité de réutilisation du béton, disons du moins qu’elle doit être faite différemment d’autres matériaux, dont la réutilisation est pratiquée, comme la pierre ou le bois, par démontage. Sans parler de réutilisation du bâti, la matière est à considérer en morceaux de blocs durs plus qu’en pièces détachées.